
Quarante-deux des soixante-neuf noms de rues de la Bastide ont un lien avec l'histoire du quartier. Crédits : LAV
Donner au pont Bacalan-Bastide le nom de Jacques Chaban-Delmas ? Une maladresse pour certains, une provocation pour d’autres. C’est peu de dire que l’ancien maire de Bordeaux n’a pas laissé un souvenir impérissable sur la rive droite. La viographie — « l’art » de donner des noms aux rues, places, stades, ponts… — n’est pas une affaire aussi consensuelle qu’on pourrait l’imaginer. C’est un enjeu de mémoire. Notamment, à la Bastide.
Dans ce quartier les noms de rues sont, plus qu’ailleurs, ancrés dans l’histoire locale. D’après Brigitte Lacombe, de l’association « Histoire(s) de la Bastide », quarante-deux des soixante-neuf toponymes du secteur ont un rapport étroit avec l’histoire du quartier.
Brigitte Lacombe : « Les propriétaires terriens ont donné leur nom aux rues » by Bastide Brazza Blog
Certains estiment que la position géographique de la Bastide, coincée entre le fleuve et les collines des hauts de Garonne, a produit un quartier autarcique. Annick Descas, auteur d’un dictionnaire des noms de rues et membre de la commission viographie de la mairie de Bordeaux, avance d’autres explications.
Annick Descas : « Une volonté de marquer la particularité de la Bastide » by Bastide Brazza Blog
Depuis une dizaine d’années, le secteur du quai de Queyries connait un profond renouvellement. Celui-là conduit parfois à supprimer des voies, en débaptiser d’autres et en ouvrir de nouvelles. Autant d’enjeux pour la mémoire du quartier. La viographie de la Bastide serait-elle en train d’être aseptisée ou « rive-gauchisée » ? On a vu, par exemple, apparaître une allée Jean-Giono, qui n’a aucun lien avec Bordeaux. Pire : Gustave Cardé, un entrepreneur local, a vu sa rue amputée d’un quart pour laisser place à Léonce Motelay, un botaniste inconnu dans le quartier.
Selon Annick Descas, cette évolution est inexorable.
Annick Descas : « Je crois que c’est une évolution inévitable » by Bastide Brazza Blog
Cela n’empêche pourtant pas les associations locales de se battre. C’est le cas de celle de Brigitte Lacombe.
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Bien que pessimiste, Annick Descas juge nécessaire de ne pas diluer la mémoire du quartier dans des toponymes trop génériques.
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Dans les années à venir, de nouvelles voies seront créées à la Bastide et il faudra les nommer. Brigitte Lacombe espère que l’âme du quartier y survivra : « Un quartier qui perd son identité devient banal ».
Pierre Garrat & Laurie-Anne Virassamy / BastideBrazzaBlog
Excellent article qui sensibilise à cet art que constitue la viographie. Il traduit certes un devoir de mémoire. Et ce n’est pas rien, car se souvenir est l’un des plus beaux verbes de la langue française, qui exprime la fidélité à soi-même, aux autres et aux événements. La question est cependant de savoir de qui, de quoi se souvenir et pourquoi. Faut-il par exemple se limiter aux personnages strictement locaux, au risque de vivre en vase clos et d’interdire toute ouverture sur les autres… ? De la réponse à cette question dépend la conception que l’on se fait de la mémoire. Sert-elle à enrichir ou à appauvrir ? Quoi qu’il en soit, les rues constituant par définition des voies publiques, donc ouvertes à tous, il importe par conséquent que les appellations retenues traduisent cette diversité.
je trouve intolérable de débaptiser les anciennes rues de la bastide par des noms qui non rien avoir avec l’histoire du quartier, alors que les anciens noms étaient directement liés à cette histoire. SCANDALEUX .